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auteur:  Jessica Scale

La création

est l'horizon

de la transformation digitale. 

Les entreprises qui croîtront à l’ère digitale sont celles qui se seront transformées en "machines à créer", à créer du désir, de la relation, de la relation, de l’efficacité opérationnelle, des écosystèmes…

A nous individus, il est prédit que notre futur est dans la création.

 

Les ruptures de la digitalisation et de la robotisation nous obligeront à créer notre emploi, hors de l’entreprise comme en son sein, après avoir créé notre réseau et créé notre marque personnelle. Les futurologues nous annoncent que la machine va nous remplacer. Elle sait, des milliards de fois mieux que nous, accomplir les tâches qui constituent le cœur de notre activité aujourd’hui. Elle pourra nous remplacer sur tout, disent-ils, sauf sur une dimension: la créativité. Trivialement dit, ils nous annoncent que nous devrons : « Créer ou Crever ».

Même destin pour l’entreprise.

A quel moment une entreprise peut-elle dire que sa transformation digitale est achevée ? Quand elle est devenue créatrice. Car se transformer pour survivre ne peut pas être son but. Il s’agit pour l’entreprise de croître. Vite et profitablement, dans un monde dorénavant hyperconcurrentiel, versatile et incertain. C’est là qu’intervient la création.


 

Dans le nouvel environnement digitalisé, l’entreprise doit créer de nouvelles sources de revenus, du côté de la « top line », et créer de nouvelles sources de gains opérationnels pour améliorer la « bottom line ». A un rythme sans commune mesure avec celui vécu précédemment.

Développer de nouveaux revenus nécessite de créer de la relation, puis de créer du désir. Parfois, et c’est le Graal, la création s'étend jusqu'à l'installation de nouveaux réflexes, comme celui d'avoir et consulter un smartphone, ou comme vise à le devenir Amazon, pour la totalité de nos e-achats de produits. Les grandes entreprises du digital apparues dans les deux dernières décennies se sont imposées en répondant toujours plus à nos désirs, et d’abord en les créant elles-mêmes. Notamment en nous proposant toujours plus d’innovations et en dévalorisant à nos yeux tout ce qui a plus de deux ans. L’enjeu des entreprises de la « vieille économie » qui ont tout compris du digital, c’est bien sûr de se transformer, elles aussi, en machines à créer du désir.

Mais également en machines à le satisfaire toujours mieux.

 

Une fois son désir éveillé, le client ne donne qu’une seule chance. Le décevoir est devenu plus que jamais impardonnable, tant les offres concurrentes, à un clic de lui, abondent et se créent tous les jours. Il est donc indispensable pour les entreprises de créer continûment des améliorations opérationnelles, afin d’offrir la meilleure expérience-client, au meilleur prix.

Depuis des décennies, les gains de marge sont obtenus en faisant sensiblement pareil, mais plus vite – grâce à la numérisation et l’automatisation – et moins cher – avec l’externalisation, l’offshorisation, voire la simple pression sur les fournisseurs. Certaines entreprises restent encore convaincues qu’en cela réside l’enjeu essentiel de leur transformation digitale. Or, les futurs progrès opérationnels pourront de moins en moins surgir des recettes classiques. Faire nouveau, mieux et moins cher exigera toujours plus de créativité, et sur l’ensemble des dimensions de l’entreprise.

Pour accroître le profit, il sera nécessaire d’envisager la création de nouveaux business-modèles, qui demanderont la constitution de nouveaux marchés, peut-être même la création de nouveaux fournisseurs. Il faudra « designer » (néologisme issu de « design ») de nouveaux écosystèmes de partenaires, pour concevoir, produire, distribuer, financer. Il faudra inventer d’inédites combinaisons de technologies comme d’innovantes relations entre le monde physique et le monde digital. Pour certaines entreprises, il s’agira d’inventer régulièrement, de la conception du produit/service jusqu’à son paiement, des façons d’opérer de bout en bout entièrement originales.

 

Sans fausse pudeur, avec enthousiasme, les entreprises du digital parlent couramment de « création » et de « co-création ». Aux entreprises en transformation digitale de s’approprier à leur tour cette dynamique.

Ce que certaines annoncent faire, tout au moins dans leurs slogans de marque. De façon intéressante, la création (variantes : l’invention, la génération, le design, les idées) est revendiquée par l’entreprise ou au contraire attribuée à ses clients.  Les industries les plus friandes d’associer leur marque à la création sont aujourd’hui la high-tech, l’automobile, l’agro-alimentaire et… les chaussures de sport. Mais l’attractivité actuelle du terme création se signale aussi dans le slogan de France Télévision (« Créer pour partager »), dans celui d’Alstom (« Designing Fluidity »), dans celui de l’espagnol Santander (« A bank for your ideas ») ou du distributeur américain Sears (« we turn on ideas »). Par ailleurs, un recul du terme innovation est à noter.

Je préfère le terme de création à celui d’innovation. Les entreprises sont depuis longtemps familières de l’innovation. Mais elles tendent, encore aujourd’hui, à le réserver à l’amélioration de leurs produits et services. L’innovation est parquée dans le département R&D ou le département marketing. Pourtant, distinguer innovation produits et services du reste de l’entreprise expose à de sévères dommages, à l’ère du digital encore plus qu’avant.

Il y a une dizaine d’années, pour se différencier des concurrents, Ford en Grande-Bretagne a innové. Soutenu par la flexibilisation de son appareil de production, le constructeur proposait sur son site de « designer soi-même sa voiture ». L’internaute se voyait proposer de choisir la couleur de la carrosserie, des sièges, des parements intérieurs. Puis la forme des phares, parmi trois possibilités, celle des roues et jantes, parmi une dizaine. Différentes options complétaient le long mais assez ludique questionnaire de personnalisation de son véhicule. La technologie ne permettait pas à l’époque de représenter en temps réel le modèle personnalisé par l’internaute, mais, arrivé au terme du processus de choix successifs, celui-ci commençait à s’en faire une idée assez précise.  Son envie d’acheter avait cru simultanément. Pari gagné pour le constructeur ? Sauf qu’à l’issue du questionnaire, l’internaute était invité à se rendre chez son concessionnaire Ford le plus proche. Et que celui-ci n’avait que trois modèles à lui proposer, sans aucune personnalisation possible. L’innovation de Ford s’était arrêtée à la porte du circuit de distribution. La déception des clients a été catastrophique pour la marque, qui s’est hâtée de supprimer cette « innovation » de son site. 
C’était il y a une décennie, ce genre d’erreurs grossières ne se reproduirait plus aujourd’hui. En est-on si sûr ?

Les entreprises entreprenant aujourd’hui de reconfigurer leur expérience-client, en commençant par analyser l’actuelle, font des découvertes déroutantes - en général désagréables. Elles identifient sans peine des ruptures patentes de promesse. Elles repèrent sans gros effort toute une série d’événements du parcours-client directement nuisibles à une bonne relation commerciale, à l’acte d’achat ou à la fidélisation. L’impact négatif durable sur le client ou le prospect est similaire à celui vécu dans l’exemple Ford.

Il n’est plus possible d’innover dans un département de l’entreprise pendant que les autres poursuivent un fonctionnement habituel. L’innovation compartimentée a vécu. Chaque création de nouveaux produits et services, chaque amélioration de l’expérience-client, chaque gain d’efficacité opérationnelle engage dorénavant toute l’entreprise, et tous ses métiers. Pour les collaborateurs au sein des entreprises, la recherche comme la mise en œuvre de nouvelles sources de revenus et de nouvelles efficacités opérationnelles vont mobiliser toutes leurs capacités créatrices. Quelques soient les métiers au sein de l’entreprise, de la finance au service après-vente, des ressources humaines à la logistique, il va leur falloir être créatif. Tous vont devoir contribuer, chacun avec son angle et sa spécialité, à rendre l’entreprise toujours plus créatrice.

Ainsi des managers.

Ils doivent aujourd’hui faire preuve de créativité pour manager des générations différentes, dont la maturité digitale comme les motivations professionnelles peuvent être diamétralement opposées. Bientôt, les managers devront déployer des « trésors d’inventivité » pour manager une équipe de collaborateurs aux localisations et aux statuts différents, salariés ou prestataires physiquement présents dans l’entreprise, partenaires à leurs portes ou à l’autre bout du monde,  clients et utilisateurs embarqués, travailleurs à la tâche dans le « Human Cloud »...

Ainsi, aussi, des responsables des chiffres et du droit dans l’entreprise.

Ce sont des métiers qui se pensent très éloignés de la création, qui sont parmi les plus résistants à l’idée de se penser créateur. Pourtant, les directeurs financiers et juridiques pourraient connaître le même sort que leurs anciennes petites mains comptables et juridiques, éliminées en vingt ans par les ERP et les bases de données sur Internet. Ces postes séniors pourraient disparaître aussi rapidement qu’elles. Prenons la technologie « block-chain », qui devrait se diffuser massivement d’ici 2020. Elle permet à chaque information liée à une transaction financière ou légale d’être associée à sa source, avec un timbre temporel et une authentification infalsifiable, au sein de bases de données hautement sécurisées et distribuées. En conséquence, ce qui prend aujourd’hui l’essentiel du temps et toute l’autorité d’expert du directeur financier ou du directeur juridique, à savoir vérifier, valider, authentifier les transactions, va pouvoir être réalisé d’un clic. Pour justifier leurs rémunérations, les responsables du chiffre et du droit vont devoir se transformer en guerriers créatifs et en « changeurs de donne ».

 

Une autre raison m’incite à préférer, pour caractériser la dynamique que le digital impose aux entreprises, le terme de création à celui d’innovation. L’innovation fait moins peur que la création. Et se faisant, elle occulte une dimension essentielle de la création, indispensable à l’entreprise à l’ère digitale.

Parfaitement conscients de la révolution culturelle qu’appelle la transformation digitale, les directeur digitaux des entreprises du CAC 40 ont, pour la moitié d’entre eux, accolé « et innovation » au titre de leur fonction.  Prudents, ils préparent le terrain dans des organisations où dominent généralement la culture des ingénieurs.

Ceux-ci opposent volontiers « technique » et « art », se réservant la maîtrise de la première et laissant la deuxième aux chevelus et aux ébouriffés. Se faisant, ils oublient que l’étymologie de technique, du grec ancien tékhnê, désignait d’abord l’art. Plus proche de nous, temporellement (XVIème siècle) et géographiquement (l’origine du mot est française), l’étymologie d’ingénieur renvoie à « génie ».  Soit « l’aptitude à concevoir, créer des choses ou des concepts » (Larousse). Ce que demande le digital aux ingénieurs n’est donc que de se réconcilier avec leur essence première : la création.

Pourquoi cette réticence à l’encontre de la création dans l’entreprise ? Pour y répondre, convoquons un artiste - qui a généré à lui seul des richesses que beaucoup d’entreprises pourraient lui envier. Pablo Picasso a résumé ainsi l'enjeu : « Tout acte de création est d’abord un acte de destruction ».

La dimension disruptive de la dynamique d’entreprise à l’ère digitale ne cesse d’être soulignée. Forbes en 2013 publiait l’article : « Forget Innovation, Who’s Your Chief Disruption Officer ? ».  Steve Wozniak d’Apple déclarait en 2015 : « Companies need a Chief Disruption Officer ». Des dizaines de nouvelles entreprises du digital en ont un. C’est le cas aussi très récemment d’Accorhotels, premier en France à ma connaissance à nommer un « Chief Disruptive Officer ».

Or, les entreprises se sont développées à l’ère industrielle et post-industrielle en se prémunissant toujours plus du risque de destruction. En cherchant à minimiser les risques. En décourageant de facto les initiatives dérangeantes. En éliminant les trublions. En enjoignant de commencer par chiffrer avant d’innover.  Cela leur était indispensable pour fonctionner et croître profitablement. Détruire volontairement n’était pas une pratique encouragée.

 

Dans les périodes de ruptures technologiques ou de marché - et le digital comprend les deux -, la protection contre les disruptions provoquées en interne devient contre-productive. Cette protection a conduit, et conduit probablement encore aujourd'hui, à prendre de très mauvaises décisions.

Prenons Kodak, une des premières victimes du numérique – qui aurait pourtant pu faire d’elle un acteur dominant. L’entreprise vivait alors des revenus issus de ses consommables, tels les pellicules photo pour appareils analogiques. Un de ses laboratoires inventa l'appareil photo numérique. Mais, pour préserver ses revenus "vache à lait", l’entreprise décida de ne pas lancer sur le marché cette invention. Et de s'accrocher le plus longtemps possible à l'analogique. Nous connaissons la suite.

Quand l'entreprise a du, par le passé, désinvestir, abandonner des lignes de produits, réorganiser, licencier..., tous actes de destruction, ses acteurs l'ont vécu comme un échec. Et c'en était un, parce que l'action a été conduite comme telle. Les créateurs d’algorithmes s’inspirent des dynamiques biologiques pour inventer des algorithmes « évolutionnistes ». Comme eux,  inspirons-nous des écosystèmes naturels pour réaliser des destructions créatives. Les feuilles mortes de l'automne protègent du froid de l'hiver la germination des nouvelles pousses, et leur substance alimente la croissance de celles-ci au printemps. Certaines entreprises ont intégré ce principe au coeur de leur business-modèle. Ce sont les plus prospères.

Ainsi d'Accenture, qui a besoin, comme toutes les entreprises de conseil, de maintenir une immuable pyramide des âges, des grades et des rémunérations. Ce qui suppose des départs importants de salariés chaque année. Ce fait est compris par tous ceux qui rejoignent cette entreprise. Un départ n'est donc pas un échec. Mais l'entreprise va beaucoup plus loin. Elle encourage le placement de ses consultants chez ses clients. Et elle anime très efficacement, depuis sa création, la communauté de ses "alumni". Qui, à leurs nouveaux postes de responsabilité, se tournent naturellement vers elle pour acheter du conseil. La dynamique de recyclage est parfaite. 

D'autres entreprises, aux salariés a priori moins ré-employables, inventent elles-aussi des approches pour éviter la destruction stérile d'emplois. Dans la version minimum et encore limitée à certains secteurs d'activité, elles adhèrent à un Groupement d'Employeurs. Dans la version plus créative de richesses pour tous, elles développent une nouvelle activité de "recycling", ou mieux, "d'upcycling" (recyclage en produit à plus forte valeur ajoutée),  pour faire créer par leurs salariés en surnombre de nouveaux revenus.  

Au final, les seuls collaborateurs d’entreprises qui, depuis les années 1990, anticipaient le mouvement et n’hésitaient pas à parler de création sont… leurs dirigeants. La création de valeur est communément revendiquée comme étant leur raison d’être. Mais dans la compréhension de la formule, « valeur » tendait à prendre la prééminence sur « création ».

 

A l’ère digitale, il s’agit pour les dirigeants d’incarner pleinement les deux termes de cette mission. D’adopter l’esprit d’un investisseur, qui pense, agit, parie, en créateur perpétuel. Le rôle des dirigeants dans l’émergence de l’entreprise créatrice est décisif. Ce que l'intrusion du digital exige d'eux, désormais, est de conduire, en créateur de valeur,  la dynamique qui rendra leur entreprise créatrice. 

Temps de lecture: 4’. Avec les exemples et cas : 7’

Créer, pour la "top line",
et... pour la "bottom line".
Une fois son désir éveillé,
le client ne donne qu'une seule chance.
Les entreprises du digital parlent couramment
de création et de co-création.

Consulter la liste, non exhaustive,

de slogans de marque autour de la création.

Chaque création
engage toute l'entreprise
et tous ses métiers.
L'innovation
fait moins peur que
la création.
Conçues
pour se prémunir contre 
la disruption.. interne.
Transformer l'échec
en création.
Les dirigeants créateurs...
de valeur.

Voir l'encadré P. Picasso sur la page Des Idées./l'entreprise créatrice

Pour un développement de cette idée, lire l'article
Les dirigeants et la création.

© 2016 by Digit Fit.

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